"J'y découvre, émerveillée, la lumière, le ciel immense et la liberté"...
J’ai sept ans quand mes parents s’installent dans le sud de la France, au bord de la mer, entre Leucate et le Barcarès. J’y découvre, émerveillée, la lumière, le ciel immense et la liberté.
À 14 ans, je m’inscris aux cours du soir des beaux-arts de Perpignan. Dans une vaste salle, encadrée d’imposantes fenêtres, j’apprends le dessin, au crayon à papier, en copiant des moulages de plâtre. Plus tard, un professeur à la barbe généreuse nous initie au croquis de modèles nus.
Les premières leçons m’enchantent. Je me débride et me libère, moi qui n’aime pas l’école excepté celle où l’on enseigne la méthode Freinet, divine année de CM2. Rapidement pourtant, ma nature revient au galop et je commence à deviner, à l’occasion de quelque progrès, mon ignorance. Je m’en souviens comme si c’était hier : l’œil et le vouloir se forment plus vite que ma main. La joie d'esquisser cède souvent sa place à l’envahissant doute.
Deux ans plus tard, je suis acceptée après concours aux arts appliqués de Lyon. Je m’essaie au dessin sous toutes ses disciplines hormis la bande dessinée et la caricature. J’aime alors les délicates transparences du lavis et des crayons de couleur. Ils évoquent plus qu’ils ne disent si j’en crois mon autoportrait.
Mon diplôme en poche, il n’est pas question pour moi de montrer mes peintures. Pour autant, je goûte aux arts plastiques d’Aix-en-Provence, où aucune eau ne coule pour rincer nos pinceaux : une farce ! La faculté, trop grande, s’impose impersonnelle. Je déteste, tout en adorant les cours magistraux d’histoire de l’art, pour leur disposition à raconter l’homme.
Mais la peinture me met à nu, me révèle impudique. L’œil le plus critique, posé sur mon travail, reste le mien. Je comprends que l’art, quel qu’il soit, exacerbe ma sensibilité, me rendant plus vulnérable. Alors que depuis l’enfance, j’apprends à composer avec mes bouillonnants questionnements philosophiques, je me sais totalement inadaptée à l’ordonnancement du monde que nous avons créé. Je décide, en ricochet, de plonger dans la société à la découverte pratique de notre nature humaine. De toutes mes forces, je m’ajusterai ou j’en mourrai.
Pour honorer mon rêve d’enfant, je retourne à Paris. Je travaille dans la publicité, joue à l’attachée de presse, apprends la comptabilité et le secrétariat. Je m’envole pour l’Irlande à 25 ans : il devenait urgent que je parle anglais couramment.
J’observe, j’écris à la moindre occasion, je tente de comprendre les manques d’harmonie. Je m’enflamme, me passionne, tombe à genoux. Notre impitoyable nature continue de me submerger. De retour à Paris, je pose un choix. Au-delà de ma gourmandise d’apprendre, assouvie dans une capitale, je préfère la qualité de vie de mon enfance, retrouvée à Dublin : je rentre en Catalogne.
Les livres sont partout, l’information circule, internet commence de se déployer. Je range mes bagages et reprends mes pinceaux. Je me suis promenée au Mexique, au Canada, aux États-Unis. Je reviens de Madagascar et du Maroc. Je me sens nourrie au point de m’affronter et montrer mon travail. J’aborde la toile blanche à l’acrylique, si pratique lorsque l’entière maison est un atelier. L’huile, sensuelle, lui succède, grignotant du terrain, imposant ses effluves. J’expose à Perpignan au Park Hôtel, à Saint Cyprien dans le restaurant de Pascal Borrell et Marie-France Bailly, à Maureillas dans les rues du village, à Marseille dans la galerie Triarchie. Mais d’autres impératifs s’accumulent. Mon domicile est en parpaings nus. Une fois encore, je suis pauvre. Je deviens maçonne, carreleuse, jardinière, afin de l’achever. J’entre en franc-maçonnerie pour continuer de me construire au rythme de mon abri planté d’entre vignes et vergers.
La philosophie puisée en franc-maçonnerie m’érige une colonne vertébrale. Je trouve toutes les astuces et la force de finir ma maison : elle est pour moi une initiation, à l’édifice de murs de pierre que je dresse à l’ancienne. À l’époque, j’exerce la profession d’expert à mon compte depuis une dizaine d’années. Les francs-maçons peuvent se montrer pathétiques quelquefois, la franc-maçonnerie une source jaillissante de gai savoir toujours.
J’apprends à soigner avec les mains, reviens à la méditation. Ce que la science tarde frileusement à étudier, sans a priori, continue de m’interroger. Les réponses, que je devinais enfant, s’imposent à moi, non comme un savoir mais à l’allure d’évidences. Nous ne passons sur terre que pour apprendre l’Amour, le révéler en nous, le déployer, qu’importe la manière. Notre âme est immortelle, absurde de vouloir vivre de chair et de sang mille ans.
Après 48 années de pérégrinations, je croise enfin la belle âme dont je serai la femme. À défaut de peindre, ma maison est devenue mon chef-d’œuvre, m’ayant enseigné l’audace et la patience. C’est un crève-cœur, mais je la vends. Je cesse mon activité et nous troquons notre vie pour la liberté. Nous nous abritons dans un petit village suspendu dans les Fenouillèdes, là où le temps s’arrête.
Notre nouvelle maison, par choix sans ostentation, s’avère être un désastre de malfaçons lors de sa précédente restauration, retardant d’autant ma décision : recommencer de peindre et d’écrire. 6°5 dans la cuisine l’hiver, les jours de tramontane, et des sources limpides traversant la roche, dans la salle à manger et la cuisine, nous intiment de nous remettre au bel ouvrage.
L’essentiel étant fait désormais, j’ai ressorti mes pinceaux et fini mon premier livre tout en écrivant et dessinant des contes. Ils s’adressent aux enfants de la maternelle de mon village d’adoption : Caramany.
Je n’ai pas encore rangé mes truelles. Le seront-elles jamais ? Pour autant l’Art prend sa place dans la maison. Je n’ai plus peur qu’il me détruise. Ce sont les agissements des hommes qui faillirent le faire ou plutôt moi de n’avoir pas vu mes rayures.
Depuis l’enfance, je m’évertue à déceler la plus belle part de notre humanité, dans un geste, une attitude, pour retrouver l’omniprésence de la magie de la vie. Portés par notre regard, imaginé dans nos pensées, créé par nos mots, nous façonnons le monde. Il incarne ce que nous sommes à chaque instant. Même si nous ne le savons pas, une œuvre d'art émerge de chacune de nos vies. Je ne doute plus de notre capacité à le réinventer tel que nous le souhaitons. L’autre est une part de moi, autant que je suis une part de lui, seuls nos choix font la différence.
Ma préférence quand je peins va à l’évocation de notre terre, tenter d’en rappeler sa beauté, taisant volontairement la laideur dont je connais le pouvoir : elle nous raconte qui nous sommes et celui ou celle que nous décidons d’être. Pour autant, eu égard à nos permanentes métamorphoses, la peinture me ramènera certainement au symbolisme pour me projeter dans un ailleurs qu’ensemble nous construisons.
J'ai recommencé d'exposer mes toiles en septembre 2016, à l'occasion de la célébration des cinquante ans du foyer rural de mon village, au P'tit Carmagnol. C'est décidé, je continue :
À 14 ans, je m’inscris aux cours du soir des beaux-arts de Perpignan. Dans une vaste salle, encadrée d’imposantes fenêtres, j’apprends le dessin, au crayon à papier, en copiant des moulages de plâtre. Plus tard, un professeur à la barbe généreuse nous initie au croquis de modèles nus.
Les premières leçons m’enchantent. Je me débride et me libère, moi qui n’aime pas l’école excepté celle où l’on enseigne la méthode Freinet, divine année de CM2. Rapidement pourtant, ma nature revient au galop et je commence à deviner, à l’occasion de quelque progrès, mon ignorance. Je m’en souviens comme si c’était hier : l’œil et le vouloir se forment plus vite que ma main. La joie d'esquisser cède souvent sa place à l’envahissant doute.
Deux ans plus tard, je suis acceptée après concours aux arts appliqués de Lyon. Je m’essaie au dessin sous toutes ses disciplines hormis la bande dessinée et la caricature. J’aime alors les délicates transparences du lavis et des crayons de couleur. Ils évoquent plus qu’ils ne disent si j’en crois mon autoportrait.
Mon diplôme en poche, il n’est pas question pour moi de montrer mes peintures. Pour autant, je goûte aux arts plastiques d’Aix-en-Provence, où aucune eau ne coule pour rincer nos pinceaux : une farce ! La faculté, trop grande, s’impose impersonnelle. Je déteste, tout en adorant les cours magistraux d’histoire de l’art, pour leur disposition à raconter l’homme.
Mais la peinture me met à nu, me révèle impudique. L’œil le plus critique, posé sur mon travail, reste le mien. Je comprends que l’art, quel qu’il soit, exacerbe ma sensibilité, me rendant plus vulnérable. Alors que depuis l’enfance, j’apprends à composer avec mes bouillonnants questionnements philosophiques, je me sais totalement inadaptée à l’ordonnancement du monde que nous avons créé. Je décide, en ricochet, de plonger dans la société à la découverte pratique de notre nature humaine. De toutes mes forces, je m’ajusterai ou j’en mourrai.
Pour honorer mon rêve d’enfant, je retourne à Paris. Je travaille dans la publicité, joue à l’attachée de presse, apprends la comptabilité et le secrétariat. Je m’envole pour l’Irlande à 25 ans : il devenait urgent que je parle anglais couramment.
J’observe, j’écris à la moindre occasion, je tente de comprendre les manques d’harmonie. Je m’enflamme, me passionne, tombe à genoux. Notre impitoyable nature continue de me submerger. De retour à Paris, je pose un choix. Au-delà de ma gourmandise d’apprendre, assouvie dans une capitale, je préfère la qualité de vie de mon enfance, retrouvée à Dublin : je rentre en Catalogne.
Les livres sont partout, l’information circule, internet commence de se déployer. Je range mes bagages et reprends mes pinceaux. Je me suis promenée au Mexique, au Canada, aux États-Unis. Je reviens de Madagascar et du Maroc. Je me sens nourrie au point de m’affronter et montrer mon travail. J’aborde la toile blanche à l’acrylique, si pratique lorsque l’entière maison est un atelier. L’huile, sensuelle, lui succède, grignotant du terrain, imposant ses effluves. J’expose à Perpignan au Park Hôtel, à Saint Cyprien dans le restaurant de Pascal Borrell et Marie-France Bailly, à Maureillas dans les rues du village, à Marseille dans la galerie Triarchie. Mais d’autres impératifs s’accumulent. Mon domicile est en parpaings nus. Une fois encore, je suis pauvre. Je deviens maçonne, carreleuse, jardinière, afin de l’achever. J’entre en franc-maçonnerie pour continuer de me construire au rythme de mon abri planté d’entre vignes et vergers.
La philosophie puisée en franc-maçonnerie m’érige une colonne vertébrale. Je trouve toutes les astuces et la force de finir ma maison : elle est pour moi une initiation, à l’édifice de murs de pierre que je dresse à l’ancienne. À l’époque, j’exerce la profession d’expert à mon compte depuis une dizaine d’années. Les francs-maçons peuvent se montrer pathétiques quelquefois, la franc-maçonnerie une source jaillissante de gai savoir toujours.
J’apprends à soigner avec les mains, reviens à la méditation. Ce que la science tarde frileusement à étudier, sans a priori, continue de m’interroger. Les réponses, que je devinais enfant, s’imposent à moi, non comme un savoir mais à l’allure d’évidences. Nous ne passons sur terre que pour apprendre l’Amour, le révéler en nous, le déployer, qu’importe la manière. Notre âme est immortelle, absurde de vouloir vivre de chair et de sang mille ans.
Après 48 années de pérégrinations, je croise enfin la belle âme dont je serai la femme. À défaut de peindre, ma maison est devenue mon chef-d’œuvre, m’ayant enseigné l’audace et la patience. C’est un crève-cœur, mais je la vends. Je cesse mon activité et nous troquons notre vie pour la liberté. Nous nous abritons dans un petit village suspendu dans les Fenouillèdes, là où le temps s’arrête.
Notre nouvelle maison, par choix sans ostentation, s’avère être un désastre de malfaçons lors de sa précédente restauration, retardant d’autant ma décision : recommencer de peindre et d’écrire. 6°5 dans la cuisine l’hiver, les jours de tramontane, et des sources limpides traversant la roche, dans la salle à manger et la cuisine, nous intiment de nous remettre au bel ouvrage.
L’essentiel étant fait désormais, j’ai ressorti mes pinceaux et fini mon premier livre tout en écrivant et dessinant des contes. Ils s’adressent aux enfants de la maternelle de mon village d’adoption : Caramany.
Je n’ai pas encore rangé mes truelles. Le seront-elles jamais ? Pour autant l’Art prend sa place dans la maison. Je n’ai plus peur qu’il me détruise. Ce sont les agissements des hommes qui faillirent le faire ou plutôt moi de n’avoir pas vu mes rayures.
Depuis l’enfance, je m’évertue à déceler la plus belle part de notre humanité, dans un geste, une attitude, pour retrouver l’omniprésence de la magie de la vie. Portés par notre regard, imaginé dans nos pensées, créé par nos mots, nous façonnons le monde. Il incarne ce que nous sommes à chaque instant. Même si nous ne le savons pas, une œuvre d'art émerge de chacune de nos vies. Je ne doute plus de notre capacité à le réinventer tel que nous le souhaitons. L’autre est une part de moi, autant que je suis une part de lui, seuls nos choix font la différence.
Ma préférence quand je peins va à l’évocation de notre terre, tenter d’en rappeler sa beauté, taisant volontairement la laideur dont je connais le pouvoir : elle nous raconte qui nous sommes et celui ou celle que nous décidons d’être. Pour autant, eu égard à nos permanentes métamorphoses, la peinture me ramènera certainement au symbolisme pour me projeter dans un ailleurs qu’ensemble nous construisons.
J'ai recommencé d'exposer mes toiles en septembre 2016, à l'occasion de la célébration des cinquante ans du foyer rural de mon village, au P'tit Carmagnol. C'est décidé, je continue :
- Dans le cadre de Balade en terre d'Artistes, j'ai ouvert les portes de mon atelier de 14 h à 18 h, les 13 et 14 mai 2017.
- Exposition à Tautavel, du 1er au 29 juin 2017, dans son Palais des Congrès. Vernissage : le vendredi 2 juin 2017.
- Le Soler accueille mes toiles du 2 au 25 octobre 2017, dans la salle des mariages. Vernissage : le vendredi 6 octobre 2017, à 18 h 30.